L'oeil public

LA NUIT TOMBE SUR L’EUROPE

Une enquête réalisée en collaboration avec Amnesty International

 

En janvier 2016, au nord de la Grèce, les frontières se sont refermées, laissant 46 000 enfants, femmes et hommes traumatisés par la guerre et l’exil, bloqués à Idomeni, en plein hiver. Laissés dans la pluie et le froid, au milieu des ordures et des excréments face aux portes fermées de l’Europe.

Les images ne manquent pas qui témoignent de ces situations sans pour autant provoquer de changement dans les politiques qui font la honte de l’Europe. Les opinions publiques désarmées, sont certes touchées mais pas assez pour que les dirigeants tiennent compte des élans de solidarité qui peuvent s’exprimer. Pire, ils les condamnent.

Les images de naufrages en mer Méditerranée auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques années ne changent malheureusement plus rien, nous l’avons vu avec la soudaine, et éphémère, prise de conscience de l’horreur suite à la publication de l’image de Aylan Kurdi, enfant mort le 2 septembre 2015, gisant sur une plage de Turquie.

Face à la montée des populismes, il est grand temps de se re-sensibiliser le public à la réalité de la brutalité, à l’insoutenable traumatisme que vivent ces milliers de femmes, hommes et enfants, errant sur les routes de l’exil.

C’est notre humanité qui se joue dans la capacité du projet européen à les protéger.

En face des côtes grecques, sur une falaise turque, une de ces maisons dont la construction ne semble jamais devoir se terminer. Ici les réfugiés attendent leur passage, à la merci des passeurs. Hôtels, appartements squattés ou bâtiments en chantier, les passeurs contraignent les candidats à l’exil à une attente dans des conditions parfois insalubres, parfois sous contrainte, parfois des semaines. Les passeurs profitent de toutes les fragilités. Le prix de la traversée a 
atteint jusqu’à 1 500 dollars par personne. Ils ont fui la guerre pour mettre leurs enfants à l’abri en Europe. Ils ont vendu leur maison, leur magasin, leur voiture, ils ont tout vendu pour financer leur exil. Pour certaines femmes, fuir la guerre, c’est aussi fuir le viol utilisé dans le conflit syrien de manière récurrente. Et pour les plus vulnérables d’entre elles, les violences sexuelles se poursuivent tout au long de leur parcours. Celles qui n’ont pas assez d’argent constituent des proies faciles pour les passeurs. Leurs corps deviennent, souvent, la seule monnaie d’échange pour pouvoir continuer leur route. Après la mort de son mari sous les bombardements syriens, Maria, Syrienne de 36 ans, a décidé de fuir avec son fils. Progressant sans aucun moyen, elle a dû avoir des relations sexuelles forcées avec un passeur pour payer leur traversée vers l’Europe. Chaque fermeture de frontière, c’est une route illégale qui s’ouvre… Et le prix de l’exil qui ne cesse d’augmenter.

En face des côtes grecques, sur une falaise turque, une de ces maisons dont la construction ne semble jamais devoir se terminer. Ici les réfugiés attendent leur passage, à la merci des passeurs.
Hôtels, appartements squattés ou bâtiments en chantier, les passeurs contraignent les candidats à l’exil à une attente dans des conditions parfois insalubres, parfois sous contrainte, parfois des semaines. Les passeurs profitent de toutes les fragilités. Le prix de la traversée a 
atteint jusqu’à 1 500 dollars par personne.
Ils ont fui la guerre pour mettre leurs enfants à l’abri en Europe. Ils ont vendu leur maison, leur magasin, leur voiture, ils ont tout vendu pour financer leur exil.
Pour certaines femmes, fuir la guerre, c’est aussi fuir le viol utilisé dans le conflit syrien de manière récurrente. Et pour les plus vulnérables d’entre elles, les violences sexuelles se poursuivent tout au long de leur parcours. Celles qui n’ont pas assez d’argent constituent des proies faciles pour les passeurs. Leurs corps deviennent, souvent, la seule monnaie d’échange pour pouvoir continuer leur route.
Après la mort de son mari sous les bombardements syriens, Maria, Syrienne de 36 ans, a décidé de fuir avec son fils. Progressant sans aucun moyen, elle a dû avoir des relations sexuelles forcées avec un passeur pour payer leur traversée vers l’Europe.
Chaque fermeture de frontière, c’est une route illégale qui s’ouvre… Et le prix de l’exil qui ne cesse d’augmenter.

L’accès à la mer se fait la nuit, au pied de la falaise, au milieu des rochers frappés par la mer démontée. Embarquer dans l’urgence sur les frêles canots malmenés par le ressac. À la moindre réticence, les passeurs forcent, sous la menace de leur arme, des hommes, des femmes, des enfants, terrorisés, à s’entasser sur les rafiots de fortune. 
 Saïd, un réfugié syrien, a payé 10 000 dollars pour traverser avec sa femme et ses six enfants. Le passeur avait garanti qu’ils seraient seuls sur le bateau et lorsqu’il a découvert l’embarcation bondée, Saïd a protesté. Menacé par le fusil du passeur, il a fini par embarquer. Lorsque le canot a chaviré, il est le seul à avoir survécu. Sa femme et ses enfants sont morts noyés. La nuit dans la mer Égée. Le bras de mer de quelques kilomètres est devenu un cimetière de réfugiés. « Les douaniers grecs sont arrivés en bateau et il cognaient le nôtre en disant : « Go back, go back ! ». En nous cognant ils ont fait un trou dans la coque. Tout le monde criait et pleurait : « Il y a de l’eau ! il y a de l’eau ! » Le bateau s’est retourné. J’ai réussi à sortir mon fils et ma femme de la cabine, mais les autres sont restés coincés. Onze personnes, dont huit enfants. Le bateau a coulé avec les familles à l’intérieur. Dans l’eau, je tenais mon fils et j’ai demandé de l’aide à la police. Je leur ai tendu mon enfant mais ils rigolaient et disaient : « Débrouille-toi. Fuck you ! » Heureusement un bateau turc est arrivé alors les Grecs ont pris mon fils, l’ont jeté à bord puis ils ont attrapé ma femme par les cheveux pour la tirer sur le pont du bateau. » Khaybar, réfugié syrien. Plus de 5 000 personnes sont mortes en 2016 en tentant de traverser la Méditerranée.

L’accès à la mer se fait la nuit, au pied de la falaise, au milieu des rochers frappés par la mer démontée. Embarquer dans l’urgence sur les frêles canots malmenés par le ressac. À la moindre réticence, les passeurs forcent, sous la menace de leur arme, des hommes, des femmes, des enfants, terrorisés, à s’entasser sur les rafiots de fortune. 

Saïd, un réfugié syrien, a payé 10 000 dollars pour traverser avec sa femme et ses six enfants. Le passeur avait garanti qu’ils seraient seuls sur le bateau et lorsqu’il a découvert l’embarcation bondée, Saïd a protesté. Menacé par le fusil du passeur, il a fini par embarquer. Lorsque le canot a chaviré, il est le seul à avoir survécu. Sa femme et ses enfants sont morts noyés. La nuit dans la mer Égée.
Le bras de mer de quelques kilomètres est devenu un cimetière de réfugiés.
« Les douaniers grecs sont arrivés en bateau et il cognaient le nôtre en disant : « Go back, go back ! ». En nous cognant ils ont fait un trou dans la coque. Tout le monde criait et pleurait : « Il y a de l’eau ! il y a de l’eau ! » Le bateau s’est retourné. J’ai réussi à sortir mon fils et ma femme de la cabine, mais les autres sont restés coincés. Onze personnes, dont huit enfants. Le bateau a coulé avec les familles à l’intérieur.
Dans l’eau, je tenais mon fils et j’ai demandé de l’aide à la police. Je leur ai tendu mon enfant mais ils rigolaient et disaient : « Débrouille-toi. Fuck you ! »
Heureusement un bateau turc est arrivé alors les Grecs ont pris mon fils, l’ont jeté à bord puis ils ont attrapé ma femme par les cheveux pour la tirer sur le pont du bateau. »
Khaybar, réfugié syrien.
Plus de 5 000 personnes sont mortes en 2016 en tentant de traverser la Méditerranée.

 

« La mer semblait calme, les passeurs nous avaient dit que la traversée durait dix minutes. Mais les vagues étaient très fortes, le canot s’est renversé. Il faisait noir, tout le monde hurlait. Nous avons essayé de nous cramponner au bateau mais il se dégonflait. Mes enfants m’ont glissé des mains. » Mohamed Kurdi, Syrien, avait fui Kobané avec sa femme et ses deux enfants. Après leur troisième tentative, ils ont essayé cette nuit-là de traverser la mer Égée entre Bodrum et Kos. Le 2 septembre 2015, au lever du jour, Aylan Kurdi, 3 ans, son frère Galip, 5 ans, et leur mère Rehan, 27 ans, ont été rejetés par la mer sur la plage d’Akyarlar en Turquie. Cette nuit-là, 12 bateaux pneumatiques, sur lesquels on avait entassé 175 personnes, avaient tenté de rejoindre l’île de Kos. Aucun bateau n’est arrivé.

« La mer semblait calme, les passeurs nous avaient dit que la traversée durait dix minutes. Mais les vagues étaient très fortes, le canot s’est renversé. Il faisait noir, tout le monde hurlait. Nous avons essayé de nous cramponner au bateau mais il se dégonflait. Mes enfants m’ont glissé des mains. »
Mohamed Kurdi, Syrien, avait fui Kobané avec sa femme et ses deux enfants. Après leur troisième tentative, ils ont essayé cette nuit-là de traverser la mer Égée entre Bodrum et Kos.
Le 2 septembre 2015, au lever du jour, Aylan Kurdi, 3 ans, son frère Galip, 5 ans, et leur mère Rehan, 27 ans, ont été rejetés par la mer sur la plage d’Akyarlar en Turquie. Cette nuit-là, 12 bateaux pneumatiques, sur lesquels on avait entassé 175 personnes, avaient tenté de rejoindre l’île de Kos. Aucun bateau n’est arrivé.

 

Le cimetière de Mitilini est plein. Un champ sert à enterrer les corps que la mer rejette sur les côtes de l’île. Christos Mavridakis, le gardien du cimetière, ne connait que la litanie des plaques funéraires qui sonnent le glas de l’exil. Et la fin de l’espoir. « 25 août 2015, pas de nom ! 4 septembre 2015 pas de nom ! 9 septembre 2015, pas de nom ! 30 septembre 2015, pas de nom, un bébé ! 30 septembre 2015, pas de nom, toute une famille ! 2 octobre 2015, pas de nom ! 13 octobre 2015, beaucoup de bébés… » Les morts sont les seuls exilés qui restent à Kato Tritos. Les rescapés doivent poursuivre leur voyage. Sham a perdu son mari et son fils, morts lors de la traversée de la mer Égée. Sham n’a pas pu rester un jour de plus pour les enterrer : le groupe avec lequel elle voyageait reprenait la route. Rester seule aurait été trop dangereux. Sham est repartie encore, en laissant ceux qu’elle aimait derrière elle, couchés sous une terre inconnue.

Le cimetière de Mitilini est plein. Un champ sert à enterrer les corps que la mer rejette sur les côtes de l’île. Christos Mavridakis, le gardien du cimetière, ne connait que la litanie des plaques funéraires qui sonnent le glas de l’exil. Et la fin de l’espoir.
« 25 août 2015, pas de nom !
4 septembre 2015 pas de nom !
9 septembre 2015, pas de nom !
30 septembre 2015, pas de nom, un bébé !
30 septembre 2015, pas de nom, toute une famille !
2 octobre 2015, pas de nom !
13 octobre 2015, beaucoup de bébés… »
Les morts sont les seuls exilés qui restent à Kato Tritos. Les rescapés doivent poursuivre leur voyage.
Sham a perdu son mari et son fils, morts lors de la traversée de la mer Égée. Sham n’a pas pu rester un jour de plus pour les enterrer : le groupe avec lequel elle voyageait reprenait la route. Rester seule aurait été trop dangereux.
Sham est repartie encore, en laissant ceux qu’elle aimait derrière elle, couchés sous une terre inconnue.

 

« Ce ne sont pas des gilets de sauvetage mais des gilets de la mort. C’est simplement un massacre. C’est pour ça que tant d’enfants se noient. La plupart ne savent pas nager, mais ils n’ont de toute façon aucune chance de flotter ». Un fabricant de gilets de sauvetage à Izmir La plupart des gilets de sauvetage, vendus 10 dollars à Izmir, sont faux. En cas de chute, ils se gorgent d’eau et font couler à pic ceux qui les portent. Sur les côtes turques, de plus en plus de magasins profitent du business juteux tiré de la vente de gilets de sauvetage et de bateaux pneumatiques totalement inadaptés pour naviguer sur la Méditerranée. « On ne peut pas les empêcher de partir. Et si nous, on ne vend pas, celui qui est à côté vendra, celui qui est derrière vendra… » Françoise Olcay, la consule honoraire de France à Bodrum vendait elle aussi des gilets et des bateaux pneumatiques aux réfugiés.

« Ce ne sont pas des gilets de sauvetage mais des gilets de la mort. C’est simplement un massacre. C’est pour ça que tant d’enfants se noient. La plupart ne savent pas nager, mais ils n’ont de toute façon aucune chance de flotter ».
Un fabricant de gilets de sauvetage à Izmir
La plupart des gilets de sauvetage, vendus 10 dollars à Izmir, sont faux. En cas de chute, ils se gorgent d’eau et font couler à pic ceux qui les portent. Sur les côtes turques, de plus en plus de magasins profitent du business juteux tiré de la vente de gilets de sauvetage et de bateaux pneumatiques totalement inadaptés pour naviguer sur la Méditerranée.
« On ne peut pas les empêcher de partir. Et si nous, on ne vend pas, celui qui est à côté vendra, celui qui est derrière vendra… » Françoise Olcay, la consule honoraire de France à Bodrum vendait elle aussi des gilets et des bateaux pneumatiques aux réfugiés.

 

Le 20 mars 2016, la Turquie et l’Union européenne ont convenu d’un plan pour réduire l’arrivée de réfugiés et de migrants vers l’Europe. Tous les « nouveaux migrants irréguliers » arrivant de Turquie en Grèce seront renvoyés en Turquie que l’Europe considère comme « pays tiers sûr ». Un « pays tiers sûr » dont les autorités rassemblent et expulsent vers la Syrie, par centaines, des enfants, des femmes et des hommes syriens. Ceux qui tentent de passer illégalement la frontière pour fuir la Syrie se font tirer dessus par l’armée turque. Le 20 mars 2016, les « hotspots », centres d’accueil des îles grecques se sont transformés en centres de rétention. Enfermant dans des prisons à ciel ouvert surpeuplées, des hommes, des femmes et des enfants, des semaines durant. On entendait crier à travers les grillages : « Guantanamo ! Guantanamo ! Au secours ! On est devenus des cadavres ! ». Depuis, les exilés n’ont plus eu d’autre choix que de faire leur demande d’asile en Grèce. Si le camp est désormais ouvert, ils n’ont pas le droit de quitter l’île. Des milliers de personnes traumatisées par leur récent exil maintenues dans un camp dans l’attente interminable du traitement de leur dossier. Dans le camp, les tentes mixtes, l’insalubrité, la violence, la précarité des femmes seules ou des enfants isolés, la peur… s’ajoutaient aux traumatismes de la guerre et à l’angoisse de ne pas savoir ce qui allait se passer… « Ma maman me manque, ma maman me manque ! ». C’est avec ces mots que Saïd, un jeune homme de 22 ans s’est réveillé à l’hôpital après sa tentative de suicide dans le camp de Moria. D’autres ont fait le choix de s’échapper et de reprendre les routes de l’exil, s’en remettant à nouveau aux passeurs.

Le 20 mars 2016, la Turquie et l’Union européenne ont convenu d’un plan pour réduire l’arrivée de réfugiés et de migrants vers l’Europe. Tous les « nouveaux migrants irréguliers » arrivant de Turquie en Grèce seront renvoyés en Turquie que l’Europe considère comme « pays tiers sûr ».
Un « pays tiers sûr » dont les autorités rassemblent et expulsent vers la Syrie, par centaines, des enfants, des femmes et des hommes syriens. Ceux qui tentent de passer illégalement la frontière pour fuir la Syrie se font tirer dessus par l’armée turque.
Le 20 mars 2016, les « hotspots », centres d’accueil des îles grecques se sont transformés en centres de rétention. Enfermant dans des prisons à ciel ouvert surpeuplées, des hommes, des femmes et des enfants, des semaines durant.
On entendait crier à travers les grillages : « Guantanamo ! Guantanamo ! Au secours ! On est devenus des cadavres ! ».
Depuis, les exilés n’ont plus eu d’autre choix que de faire leur demande d’asile en Grèce. Si le camp est désormais ouvert, ils n’ont pas le droit de quitter l’île. Des milliers de personnes traumatisées par leur récent exil maintenues dans un camp dans l’attente interminable du traitement de leur dossier.
Dans le camp, les tentes mixtes, l’insalubrité, la violence, la précarité des femmes seules ou des enfants isolés, la peur… s’ajoutaient aux traumatismes de la guerre et à l’angoisse de ne pas savoir ce qui allait se passer…
« Ma maman me manque, ma maman me manque ! ». C’est avec ces mots que Saïd, un jeune homme de 22 ans s’est réveillé à l’hôpital après sa tentative de suicide dans le camp de Moria. D’autres ont fait le choix de s’échapper et de reprendre les routes de l’exil, s’en remettant à nouveau aux passeurs.

 

« Pourquoi ne nous laissent-ils pas partir ? Ils veulent qu’on meure ici ? » Un Syrien de 70 ans, originaire d’Alep. En janvier 2016, au nord de la Grèce, la frontière avec la Macédoine 
s’est refermée. Condamnant la « route des Balkans », et laissant 
46 000 enfants, femmes et hommes bloqués au milieu de l’hiver dans des conditions sanitaires déplorables, dans la pluie et dans le froid.
 « Idomeni n’est plus qu’un cul de sac synonyme de désespoir et de misère où végètent des milliers de familles. Je les ai vus jour après jour se transformer, perdre la raison, être avalés par ce camp inhumain. Ils manquaient de tout, ils vivaient au milieu des ordures et des excréments. Ils devenaient parfois agressifs pour un peu de nourriture, un sac de vêtements ou quelques morceaux de bois. Leurs journées se résumaient à satisfaire les besoins primaires (boire, manger et se chauffer) et à attendre. Mais attendre quoi ? ! » Un volontaire à Idomeni

« Pourquoi ne nous laissent-ils pas partir ?
Ils veulent qu’on meure ici ? »
Un Syrien de 70 ans, originaire d’Alep.
En janvier 2016, au nord de la Grèce, la frontière avec la Macédoine 
s’est refermée. Condamnant la « route des Balkans », et laissant 
46 000 enfants, femmes et hommes bloqués au milieu de l’hiver dans des conditions sanitaires déplorables, dans la pluie et dans le froid.

« Idomeni n’est plus qu’un cul de sac synonyme de désespoir et de misère où végètent des milliers de familles. Je les ai vus jour après jour se transformer, perdre la raison, être avalés par ce camp inhumain. Ils manquaient de tout, ils vivaient au milieu des ordures et des excréments. Ils devenaient parfois agressifs pour un peu de nourriture, un sac de vêtements ou quelques morceaux de bois. Leurs journées se résumaient à satisfaire les besoins primaires (boire, manger et se chauffer) et à attendre. Mais attendre quoi ? ! »
Un volontaire à Idomeni

 

En septembre 2015, l’agence européenne Frontex dénombrait plus de 500 000 réfugiés sur la route des Balkans depuis le début de l’année ; principalement originaires de Syrie. Face à l’arrivée de milliers de réfugiés à sa frontière, la Hongrie a construit à la hâte une clôture. Quatre mètres de barbelés à lames, tout au long des 175 kilomètres de sa frontière avec la Serbie. Barricadée, la Hongrie fermait sa frontière dans la nuit du 11 septembre 2015 et son parlement votait par 151 voix contre 12, et 27 abstentions, une loi autorisant l’armée à tirer à balles réelles sur les migrants. Pour Gyorgy Schopflin, eurodéputé hongrois, des têtes de cochons accrochées aux points de passage le long de la frontière hongroise pourraient dissuader les réfugiés musulmans de demander l’asile dans son pays. En septembre 2015, les frontières se ferment une à une, laissant des milliers d’hommes de femmes et d’enfants dans la pluie et le froid, bloqués derrière les grilles de l’Europe. Des enfants ont vu d’autres enfants mourir de froid sur la route. Traumatisés à jamais.

En septembre 2015, l’agence européenne Frontex dénombrait plus de 500 000 réfugiés sur la route des Balkans depuis le début de l’année ; principalement originaires de Syrie.
Face à l’arrivée de milliers de réfugiés à sa frontière, la Hongrie a construit à la hâte une clôture. Quatre mètres de barbelés à lames, tout au long des 175 kilomètres de sa frontière avec la Serbie.
Barricadée, la Hongrie fermait sa frontière dans la nuit du 11 septembre 2015 et son parlement votait par 151 voix contre 12, et 27 abstentions, une loi autorisant l’armée à tirer à balles réelles sur les migrants.
Pour Gyorgy Schopflin, eurodéputé hongrois, des têtes de cochons accrochées aux points de passage le long de la frontière hongroise pourraient dissuader les réfugiés musulmans de demander l’asile dans son pays.
En septembre 2015, les frontières se ferment une à une, laissant des milliers d’hommes de femmes et d’enfants dans la pluie et le froid, bloqués derrière les grilles de l’Europe. Des enfants ont vu d’autres enfants mourir de froid sur la route. Traumatisés à jamais.

 

« Plusieurs enfants ont été victimes d’agression sexuelles par un gang qui opère dans le « no-man‘s land » entre la Hongrie et la Serbie. La même bande a coupé le doigt d’une fille parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour payer son passage ». Jelena Hrnjak, coordonnateur de programme de l’organisation serbe anti-trafic Atina. Aya, 25 ans, a quitté la Syrie avec ses quatre sœurs et plusieurs enfants - ses deux enfants en bas âge, sa jeune nièce et son neveu - et les deux jeunes frères de son mari. Après avoir perdu le groupe avec lequel elle voyageait, Aya s’est retrouvée à l’hôtel Seni Studium de Budapest. L’endroit était sale, rempli de réfugiés dormant dans les couloirs et dans les moindres recoins. Le personnel de l’hôtel reliant les réfugiés avec un réseau de passeurs. Aya et ses soeurs, qui devaient payer 15 euros chacune pour dormir par terre ont tenté de négocier : « C’est trop ! Vous prenez 15 euros pour dormir sur le plancher ! Vous pouvez au moins baisser à 10. - Vous avez un autre choix, vous venez avec moi dans ma chambre. » Travaux forcés, servitude domestique, proxénétisme, mendicité forcée, les exilés sont abandonnés au commerce des passeurs. Certaines ONG parlent même de vente d’organes pour financer des passages.

« Plusieurs enfants ont été victimes d’agression sexuelles par un gang qui opère dans le « no-man‘s land » entre la Hongrie et la Serbie. La même bande a coupé le doigt d’une fille parce qu’elle n’avait pas assez d’argent pour payer son passage ».
Jelena Hrnjak, coordonnateur de programme
de l’organisation serbe anti-trafic Atina.
Aya, 25 ans, a quitté la Syrie avec ses quatre sœurs et plusieurs enfants – ses deux enfants en bas âge, sa jeune nièce et son neveu – et les deux jeunes frères de son mari.
Après avoir perdu le groupe avec lequel elle voyageait, Aya s’est retrouvée à l’hôtel Seni Studium de Budapest. L’endroit était sale, rempli de réfugiés dormant dans les couloirs et dans les moindres recoins. Le personnel de l’hôtel reliant les réfugiés avec un réseau de passeurs.
Aya et ses soeurs, qui devaient payer 15 euros chacune pour dormir par terre ont tenté de négocier :
« C’est trop ! Vous prenez 15 euros pour dormir sur le plancher ! Vous pouvez au moins baisser à 10.
– Vous avez un autre choix, vous venez avec moi dans ma chambre. »
Travaux forcés, servitude domestique, proxénétisme, mendicité forcée, les exilés sont abandonnés au commerce des passeurs. Certaines ONG parlent même de vente d’organes pour financer des passages.

 

Le 28 août 2015, en Autriche, un camion frigorifique est retrouvé abandonné sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute reliant Budapest à Vienne. À l’intérieur, 71 corps en décomposition. 71 corps d’enfants, de femmes et d’hommes syriens anonymes. 71 personnes dont on ne connaitra sans doute jamais les noms.

Le 28 août 2015, en Autriche, un camion frigorifique est retrouvé abandonné sur la bande d’arrêt d’urgence de l’autoroute reliant Budapest à Vienne. À l’intérieur, 71 corps en décomposition. 71 corps d’enfants, de femmes et d’hommes syriens anonymes. 71 personnes dont on ne connaitra sans doute jamais les noms.

En 2015, plus d’un million de réfugiés sont arrivés en Allemagne, grâce à la politique d’ouverture de la chancelière Angela Merkel. Mais face à cette politique d’accueil, les mouvements d’extrême droite ne décolèrent pas. Cocktails Molotov, graffitis, insultes, agressions, voiles arrachés, têtes de porcs tranchées abandonnées devant des mosquées, les attaques contre les réfugiés se sont multipliées. Au total près d’un millier d’incidents ont été enregistrés. À Bautzen, près de Dresde, un hôtel destiné à l’accueil des réfugiés a pris feu sous les applaudissements de la foule. Quelques jours auparavant un bus avait été pris à partie par des manifestants d’extrême droite, terrorisant hommes, femmes et enfants à leur arrivée dans leur village d’accueil.

En 2015, plus d’un million de réfugiés sont arrivés en Allemagne, grâce à la politique d’ouverture de la chancelière Angela Merkel.
Mais face à cette politique d’accueil, les mouvements d’extrême droite ne décolèrent pas. Cocktails Molotov, graffitis, insultes, agressions, voiles arrachés, têtes de porcs tranchées abandonnées devant des mosquées, les attaques contre les réfugiés se sont multipliées. Au total près d’un millier d’incidents ont été enregistrés.
À Bautzen, près de Dresde, un hôtel destiné à l’accueil des réfugiés a pris feu sous les applaudissements de la foule. Quelques jours auparavant un bus avait été pris à partie par des manifestants d’extrême droite, terrorisant hommes, femmes et enfants à leur arrivée dans leur village d’accueil.

 

Le gouvernement danois fait tout pour dissuader les exilés de se tourner vers le Danemark. En 2015, face à l’arrivée de nombreuses personnes cherchant à rejoindre la Suède, le gouvernement a fait fermer l’autoroute reliant l’Allemagne à la Suède, formant ainsi un corridor de 190 kilomètres par lequel ils pourraient rejoindre la frontière suédoise à pieds. Plus de 300 Danois ayant fait preuve de solidarité en accompagnant en voiture, en bateau ou en payant un billet de train à des familles de réfugiés ont été poursuivis par les autorités. Les condamnations pouvaient aller jusqu’à 3 000 euros d’amende. En janvier 2016, le parlement danois a adopté une série de lois compliquant l’accueil des réfugiés, repoussant à trois années d’attente la possibilité de prétendre à un regroupement familial ou encore imposant aux forces de l’ordre de confisquer les biens, argent liquide et bijoux aux réfugiés arrivant au Danemark.

Le gouvernement danois fait tout pour dissuader les exilés de se tourner vers le Danemark.
En 2015, face à l’arrivée de nombreuses personnes cherchant à rejoindre la Suède, le gouvernement a fait fermer l’autoroute reliant l’Allemagne à la Suède, formant ainsi un corridor de 190 kilomètres par lequel ils pourraient rejoindre la frontière suédoise à pieds.
Plus de 300 Danois ayant fait preuve de solidarité en accompagnant en voiture, en bateau ou en payant un billet de train à des familles de réfugiés ont été poursuivis par les autorités. Les condamnations pouvaient aller jusqu’à 3 000 euros d’amende.
En janvier 2016, le parlement danois a adopté une série de lois compliquant l’accueil des réfugiés, repoussant à trois années d’attente la possibilité de prétendre à un regroupement familial ou encore imposant aux forces de l’ordre de confisquer les biens, argent liquide et bijoux aux réfugiés arrivant au Danemark.

 

« Calais, le cimetière des espoirs et des rêves. Là-bas, beaucoup de gens perdent complètement pied. » Hassan, éxilé Syrien. En face de l’Angleterre, jusqu’à 10 000 personnes se sont entassées dans les plus grands bidonvilles d’Europe. Abandonnées depuis des années dans la boue et le froid, à la merci des passeurs et des mafieux, rois dans la Jungle. Ils se servent des mineurs isolés pour faire les courses, les corvées d’eau, la queue à la douche. Ils s’en servent pour ouvrir les camions, racketter les familles, surveiller les aires de stationnement, bloquer à certains l’accès aux distributions de nourriture. Tout, même les promesses de passage, se paie comptant ou en échange de services sexuels. Jamais les prix n’ont été aussi élevés pour traverser la Manche : entre 5 000 et 7 000 euros par personne. Senait est arrivée toute seule à 
14 ans. Comme une vingtaine de jeunes femmes, pour survivre, 
à Calais, elle devait se prostituer dans la Jungle. Survivre. À 5 euros la passe. « Toutes les filles reçoivent des propositions pour se prostituer. Les plus faibles acceptent mais si tu refuses on ne t’oblige pas. Sauf si tu dois de l’argent. » En 2015, 90 000 enfants non accompagnés ont demandé l’asile en Europe. En octobre 2016, la Jungle a enfin été démantelée et plus de 5 000 personnes ont été « mises à l’abri ». Face au retour de réfugiés, dont de nombreux mineurs, Natacha Bouchart, maire de Calais a pris un arrêté interdisant la distribution de nourriture aux réfugiés.

« Calais, le cimetière des espoirs et des rêves. Là-bas, beaucoup de gens perdent complètement pied. »
Hassan, éxilé Syrien.
En face de l’Angleterre, jusqu’à 10 000 personnes se sont entassées dans les plus grands bidonvilles d’Europe.
Abandonnées depuis des années dans la boue et le froid, à la merci des passeurs et des mafieux, rois dans la Jungle. Ils se servent des mineurs isolés pour faire les courses, les corvées d’eau, la queue à la douche. Ils s’en servent pour ouvrir les camions, racketter les familles, surveiller les aires de stationnement, bloquer à certains l’accès aux distributions de nourriture. Tout, même les promesses de passage, se paie comptant ou en échange de services sexuels.
Jamais les prix n’ont été aussi élevés pour traverser la Manche : entre 5 000 et 7 000 euros par personne. Senait est arrivée toute seule à 
14 ans. Comme une vingtaine de jeunes femmes, pour survivre, 
à Calais, elle devait se prostituer dans la Jungle. Survivre. À 5 euros la passe.
« Toutes les filles reçoivent des propositions pour se prostituer. Les plus faibles acceptent mais si tu refuses on ne t’oblige pas. Sauf si tu dois de l’argent. »
En 2015, 90 000 enfants non accompagnés ont demandé l’asile en Europe.
En octobre 2016, la Jungle a enfin été démantelée et plus de 5 000 personnes ont été « mises à l’abri ». Face au retour de réfugiés, dont de nombreux mineurs, Natacha Bouchart, maire de Calais a pris un arrêté interdisant la distribution de nourriture aux réfugiés.

 

La zone portuaire de Calais est désormais constituée d’un « corridor sécurisé » qui s’étend sur près de trois kilomètres. Une double clôture, l’une de quatre mètres de haut et l’autre de plus de deux mètres, surmontées de barbelés et d’un système de détection infrarouge. 1 300 policiers, CRS et gendarmes ont été déployés, pour une ville de 75 000 habitants. Calais est devenue la ville de France où le ratio de policiers par habitant est le plus élevé. « Deux policiers sont entrés dans le camion où j’étais caché. Le premier a utilisé son spray lacrymogène. Le second a frappé avec sa matraque. Un par un, frappés pendant une minute, y compris les femmes. Ils frappent à l’intérieur des camions pour ne pas être filmés », témoigne Amar un Soudanais de 26 ans. Traumatismes crâniens, fractures de la mâchoire et des mains, passages à tabac, lésions oculaires dues au gaz lacrymogène, morsures de chiens, hématomes sur le corps suite à des tirs de flashballs. Les rapports médicaux accablent la police française. Les mieux informés empilent sur eux plusieurs manteaux épais pour atténuer les coups. Les parents stupéfaits, soignent comme ils peuvent leurs enfants blessés par la police. En deux mois, Médecins sans frontière a signé 90 certificats médicaux de violences policières. Bien que des vidéos permettent parfois d’identifier les gardiens de la paix responsables de ces actes, aucune plainte n’a abouti à une condamnation. 90 % des exilés déclarent avoir subi des violences le long de leur parcours.

La zone portuaire de Calais est désormais constituée d’un « corridor sécurisé » qui s’étend sur près de trois kilomètres. Une double clôture, l’une de quatre mètres de haut et l’autre de plus de deux mètres, surmontées de barbelés et d’un système de détection infrarouge. 1 300 policiers, CRS et gendarmes ont été déployés, pour une ville de 75 000 habitants. Calais est devenue la ville de France où le ratio de policiers par habitant est le plus élevé.
« Deux policiers sont entrés dans le camion où j’étais caché. Le premier a utilisé son spray lacrymogène. Le second a frappé avec sa matraque. Un par un, frappés pendant une minute, y compris les femmes. Ils frappent à l’intérieur des camions pour ne pas être filmés », témoigne Amar un Soudanais de 26 ans.
Traumatismes crâniens, fractures de la mâchoire et des mains, passages à tabac, lésions oculaires dues au gaz lacrymogène, morsures de chiens, hématomes sur le corps suite à des tirs de flashballs. Les rapports médicaux accablent la police française.
Les mieux informés empilent sur eux plusieurs manteaux épais pour atténuer les coups. Les parents stupéfaits, soignent comme ils peuvent leurs enfants blessés par la police. En deux mois, Médecins sans frontière a signé 90 certificats médicaux de violences policières.
Bien que des vidéos permettent parfois d’identifier les gardiens de la paix responsables de ces actes, aucune plainte n’a abouti à une condamnation.
90 % des exilés déclarent avoir subi des violences le long de leur parcours.

 

Nima, un Iranien de 30 ans s’est retrouvé face à un CRS après 
avoir tenté de monter dans un camion aux abords du port. Le CRS lui envoie alors plusieurs coups de matraque. Alors qu’il tente de prendre la fuite, le CRS le frappe à l’arrière du crâne, puis au visage, au point de lui casser la mâchoire. « Pendant toute la durée de l’attaque, je pouvais entendre le policier crier ». K.O, Nima s‘effondre. Le policier lui assène 2 coups de pied alors qu’il est à terre, puis l’abandonne sur le bord de la route. Le « Défenseur des droits », haute autorité indépendante, liste très 
officiellement les manquements de la police française : - Utilisation disproportionnée d’armes de force intermédiaire et de gaz lacrymogène. - Harcèlement policier, violences verbales et abus de la force contre des migrants. - Migrants percutés sur l’autoroute par des véhicules de police, gravement blessés. - Destruction par les forces de l’ordre des cameras des bénévoles ayant servi à filmer les interventions de police. - Effacement des données enregistrées.

Nima, un Iranien de 30 ans s’est retrouvé face à un CRS après 
avoir tenté de monter dans un camion aux abords du port. Le CRS lui envoie alors plusieurs coups de matraque. Alors qu’il tente de prendre la fuite, le CRS le frappe à l’arrière du crâne, puis au visage, au point de lui casser la mâchoire. « Pendant toute la durée de l’attaque, je pouvais entendre le policier crier ». K.O, Nima s‘effondre. Le policier lui assène 2 coups de pied alors qu’il est à terre, puis l’abandonne sur le bord de la route.
Le « Défenseur des droits », haute autorité indépendante, liste très 
officiellement les
manquements de la police française :
– Utilisation disproportionnée d’armes de force intermédiaire et de gaz lacrymogène.
– Harcèlement policier, violences verbales et abus de la force contre des migrants.
– Migrants percutés sur l’autoroute par des véhicules de police, gravement blessés.
– Destruction par les forces de l’ordre des cameras des bénévoles ayant servi à filmer les interventions de police.
– Effacement des données enregistrées.

 

« Une voiture nous a coupé la route et des hommes sont sortis avec des matraques, des bâtons électriques et des bombes lacrymogènes. Ils m’ont plaqué au sol, frappé avec leurs matraques sur mes jambes et ma main. J’ai reçu un coup sur la tête, j’avais du sang plein le visage. Je criais de toutes mes forces. Pour me faire taire, un des hommes a écrasé sa chaussure sur ma bouche. » Bahar, un adolescent. « Des gens sont sortis des buissons. Ils m’ont dit « retourne à la Jungle ». Ils ont commencé à nous frapper pendant trois ou quatre minutes, avec des matraques comme la police. J’ai reçu un coup sur la nuque. Je suis tombé. Ils ont commencé à me frapper partout très fort, sur les mains et dans le dos. Ma main a été cassée. Je me suis évanoui. »
 Nadhim, kurde irakien. Habillés de noir, cagoulés, équipés de barres de fer et de matraques, la violence de ceux qui s’organisent pour « casser du migrant », selon leurs propres dires, s’ajoute à la violence des passeurs.

« Une voiture nous a coupé la route et des hommes sont sortis avec des matraques, des bâtons électriques et des bombes lacrymogènes. Ils m’ont plaqué au sol, frappé avec leurs matraques sur mes jambes et ma main. J’ai reçu un coup sur la tête, j’avais du sang plein le visage. Je criais de toutes mes forces. Pour me faire taire, un des hommes a écrasé sa chaussure sur ma bouche. »
Bahar, un adolescent.
« Des gens sont sortis des buissons. Ils m’ont dit « retourne à la Jungle ». Ils ont commencé à nous frapper pendant trois ou quatre minutes, avec des matraques comme la police. J’ai reçu un coup sur la nuque. Je suis tombé. Ils ont commencé à me frapper partout très fort, sur les mains et dans le dos. Ma main a été cassée. Je me suis évanoui. »

Nadhim, kurde irakien.
Habillés de noir, cagoulés, équipés de barres de fer et de matraques, la violence de ceux qui s’organisent pour « casser du migrant », selon leurs propres dires, s’ajoute à la violence des passeurs.

 

La sécurisation des sites portuaires contraint les réfugiés à embarquer de plus en plus loin du littoral. Certains passages se font directement à partir de Paris ou sur des aires d’autoroute isolées, en pleine campagne. Le 4 juillet 2016, lorsque Zahra, Iranienne de 37 ans, s’apprête à monter dans le camion, le passeur l’en empêche, au motif qu’il est plein, pour la faire monter dans une remorque frigorifique. Elle y est violée en même temps qu’une seconde femme érythréenne de 23 ans. « J’ai peur, j’ai tellement peur, je n’ose plus essayer de passer. Je n’ai jamais eu aussi peur qu’ici, en France. »

La sécurisation des sites portuaires contraint les réfugiés à embarquer de plus en plus loin du littoral. Certains passages se font directement à partir de Paris ou sur des aires d’autoroute isolées, en pleine campagne.
Le 4 juillet 2016, lorsque Zahra, Iranienne de 37 ans, s’apprête à monter dans le camion, le passeur l’en empêche, au motif qu’il est plein, pour la faire monter dans une remorque frigorifique. Elle y est violée en même temps qu’une seconde femme érythréenne de 23 ans. « J’ai peur, j’ai tellement peur, je n’ose plus essayer de passer. Je n’ai jamais eu aussi peur qu’ici, en France. »

 

Pour accéder au campement de Norrent Fontes, les femmes doivent payer un droit d’entrée de 500 euros aux passeurs pour avoir leur protection et finalement l’accès aux services associatifs et aux aires d’autoroute attenantes. Yohanna a 16 ans. Elle a quitté l’Érythrée à la mort de sa mère. En arrivant à Norrent Fontes, elle dormait dans une tente chez les hommes. « Mais dès qu’une place s’est libérée, j’ai rejoint la cabane des femmes. Ça m’a soulagée car là-bas, dans les tentes, c’est dur et je ne veux pas raconter… Quand on n’a plus d’argent, on est obligé de s’arranger. » Originaires majoritairement de la corne de l’Afrique, les femmes du camp de Norrent Fontes sont toutes passées par la Libye. « Toutes les femmes y sont violées, même les femmes enceintes. Arrivé en Libye, tu payes et tu dois te cacher. J’ai eu très peur pendant le trajet. Ils peuvent te violer, te taper quand ils veulent. Chaque nuit, les passeurs changent. Et chaque nuit, ils choisissent qui ils violent. Au port, tous les matins, les hommes sont fouettés et les femmes sont violées. Les chanceux montent dans le bateau. » Winta, 13 ans, a été régulièrement violée et s’est prostituée quelques fois pour gagner plus vite de l’argent : « C’était très dur, je ne maîtrisais rien, je dépendais des passeurs. En Libye j’ai voulu tout arrêter tellement c’était dur. Mais c’était pire. Alors j’ai continué. »

Pour accéder au campement de Norrent Fontes, les femmes doivent payer un droit d’entrée de 500 euros aux passeurs pour avoir leur protection et finalement l’accès aux services associatifs et aux aires d’autoroute attenantes.
Yohanna a 16 ans. Elle a quitté l’Érythrée à la mort de sa mère. En arrivant à Norrent Fontes, elle dormait dans une tente chez les hommes. « Mais dès qu’une place s’est libérée, j’ai rejoint la cabane des femmes. Ça m’a soulagée car là-bas, dans les tentes, c’est dur et je ne veux pas raconter… Quand on n’a plus d’argent, on est obligé de s’arranger. »
Originaires majoritairement de la corne de l’Afrique, les femmes du camp de Norrent Fontes sont toutes passées par la Libye.
« Toutes les femmes y sont violées, même les femmes enceintes. Arrivé en Libye, tu payes et tu dois te cacher. J’ai eu très peur pendant le trajet. Ils peuvent te violer, te taper quand ils veulent. Chaque nuit, les passeurs changent. Et chaque nuit, ils choisissent qui ils violent. Au port, tous les matins, les hommes sont fouettés et les femmes sont violées. Les chanceux montent dans le bateau. »
Winta, 13 ans, a été régulièrement violée et s’est prostituée quelques fois pour gagner plus vite de l’argent : « C’était très dur, je ne maîtrisais rien, je dépendais des passeurs. En Libye j’ai voulu tout arrêter tellement c’était dur. Mais c’était pire. Alors j’ai continué. »

 

Salamaouite, enceinte de six mois, est seule avec son fils de 7 ans. Chaque soir elle tente de passer clandestinement vers l’Angleterre. Chaque soir, les passeurs la frappent pour qu’elle monte plus vite dans les camions. Chaque soir, son fils hurle : « Non maman ! Pas les camions, pas les camions. ». Salamaouite tentera de passer jusqu’au dernier jour de sa grossesse. Ou bien jusqu’à la mort, comme Maria, la Syrienne percutée par une voiture sur l’autoroute A16 dans la nuit du 14 octobre 2015. Comme Saleh, le Soudanais, mort à 23 ans, le 29 juillet 2015, écrasé par un camion sur un quai de déchargement d’Eurotunnel. Comme Sadik, un Pakistanais d’une trentaine d’années, mort de ses blessures à l’hôpital de Calais, le 28 juillet 2015, après avoir sauté sur un train en marche. Comme Ganet, arrivée d’Erythrée à 23 ans, morte le 24 juillet 2015, percutée elle aussi par une voiture sur l’autoroute. Et comme cet adolescent anonyme retrouvé mort sur un train le 23 juillet 2015, dans la partie anglaise du tunnel. Et Houmed, cet Érythréen de 17 ans, retrouvé noyé le 19 juillet 2015, dans un bassin de rétention du site français du Tunnel. Mohamad est arrivé du Pakistan à 23 ans pour mourir le 16 juillet 2015, électrocuté sur un train dans le Tunnel. Abd El Majed, un Soudanais de 45 ans, père de deux enfants, est tombé d’un train le 7 juillet 2015. Il est mort d’une fracture du rachis cervical. Getenet, l’Éthiopien, est mort à 32 ans, le 26 juin 2015, en tentant de grimper sur un train.

Salamaouite, enceinte de six mois, est seule avec son fils de 7 ans. Chaque soir elle tente de passer clandestinement vers l’Angleterre. Chaque soir, les passeurs la frappent pour qu’elle monte plus vite dans les camions. Chaque soir, son fils hurle : « Non maman ! Pas les camions, pas les camions. ».
Salamaouite tentera de passer jusqu’au dernier jour de sa grossesse. Ou bien jusqu’à la mort, comme Maria, la Syrienne percutée par une voiture sur l’autoroute A16 dans la nuit du 14 octobre 2015.
Comme Saleh, le Soudanais, mort à 23 ans, le 29 juillet 2015, écrasé par un camion sur un quai de déchargement d’Eurotunnel.
Comme Sadik, un Pakistanais d’une trentaine d’années, mort de ses blessures à l’hôpital de Calais, le 28 juillet 2015, après avoir sauté sur un train en marche.
Comme Ganet, arrivée d’Erythrée à 23 ans, morte le 24 juillet 2015, percutée elle aussi par une voiture sur l’autoroute.
Et comme cet adolescent anonyme retrouvé mort sur un train le 23 juillet 2015, dans la partie anglaise du tunnel.
Et Houmed, cet Érythréen de 17 ans, retrouvé noyé le 19 juillet 2015, dans un bassin de rétention du site français du Tunnel.
Mohamad est arrivé du Pakistan à 23 ans pour mourir le 16 juillet 2015, électrocuté sur un train dans le Tunnel.
Abd El Majed, un Soudanais de 45 ans, père de deux enfants, est tombé d’un train le 7 juillet 2015. Il est mort d’une fracture du rachis cervical.
Getenet, l’Éthiopien, est mort à 32 ans, le 26 juin 2015, en tentant de grimper sur un train.

 

En juin 2015, il y a eu jusqu’à 6 500 tentatives d’intrusion sur le site d’Eurotunnel. Dix personnes tentant de passer en Angleterre sont mortes ce même été. Après la découverte du corps sans vie d’un enfant de 14 ans sur son train, un conducteur de la société Eurotunnel a écrit à sa direction. Dans sa lettre, il disait : « Là des barbelés, des policiers, des gens en armes, des chiens mais plus aucun arbre. Un tableau de guerre. Nous avons peur. Peur de commencer, peur de finir, peur de conduire, peur du devant, peur de percuter, d’écraser, d’électrocuter, de réduire en bouillie un pauvre hère, un déshérité, un maudit de la vie, un damné de la terre. On roule comme on peut ! Non plus les yeux fixés sur les instruments de bord mais sur les abords, sur la voie, sur les alentours, priant secrètement pour qu’il n’y ait pas un désespéré qui se jette sur le train ! Voir surgir de jeunes migrants en tirant par les bras des bébés pour grimper sur le train, n’est pas facile à vivre. Voir des migrants sauter sur les trains en mouvement, rebondir dans tous les sens, sans vous parler du bruit… Combien de blessés encore ? Combien de morts ? »

En juin 2015, il y a eu jusqu’à 6 500 tentatives d’intrusion sur le site d’Eurotunnel. Dix personnes tentant de passer en Angleterre sont mortes ce même été. Après la découverte du corps sans vie d’un enfant de 14 ans sur son train, un conducteur de la société Eurotunnel a écrit à sa direction. Dans sa lettre, il disait :

« Là des barbelés, des policiers, des gens en armes, des chiens mais plus aucun arbre. Un tableau de guerre. Nous avons peur. Peur de commencer, peur de finir, peur de conduire, peur du devant, peur de percuter, d’écraser, d’électrocuter, de réduire en bouillie un pauvre hère, un déshérité, un maudit de la vie, un damné de la terre. On roule comme on peut ! Non plus les yeux fixés sur les instruments de bord mais sur les abords, sur la voie, sur les alentours, priant secrètement pour qu’il n’y ait pas un désespéré qui se jette sur le train !
Voir surgir de jeunes migrants en tirant par les bras des bébés pour grimper sur le train, n’est pas facile à vivre. Voir des migrants sauter sur les trains en mouvement, rebondir dans tous les sens, sans vous parler du bruit…
Combien de blessés encore ? Combien de morts ? »

 

 

 

Textes et images : Samuel Bollendorff

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